Spontus fête ces 20 ans cette année. Pouvez-vous revenir un peu sur la création du groupe ?
Et oui, 20 ans cette année. Le groupe a été créé en 1996 à l’occasion du Concours interlycée de Lannion. Nous étions avec Erwan Bérenguer au lycée à Auray. On jouait l’été sur les marchés, pour faire la manche… on faisait plutôt du blues, harmonica/guitare ! Mais je jouais aussi dans les pardons, les kermesses, et en fest-noz avec Alan, mon frère. Et puis, il y avait les frangins Le Bozec avec qui on avait l’occasion de faire de la musique régulièrement.
Quand on a vu qu’il y avait un concours pour les lycéens, on s’est dit, « on va faire un groupe » on a appelé Ronan, l’ainé des frères Le Bozec, et on s’est retrouvé un mercredi après midi à la salle polyvalente de Mériadec. L’année d’après, on a commencé à jouer avec Pascal Kermorvant, et en 1998 Yann Le Bozec à rejoint le groupe. Très vite on s’est retrouvé à jouer beaucoup à cette période. C’était assez stimulant on était tous les 6 à fond dans « la musique trad », de différentes manières. Quand on n’était pas au fest-noz pour jouer, on y était pour écouter les musiciens et faire la java. Mais on aimait aussi aller écouter les concours de sonneurs, on se retrouvait pour faire des bœufs à « la grande auberge »…
On suivait des stages ensemble, on donnait des cours ensembles … Bref, il y’avait une grosse émulation. Et il y avait aussi pas mal d’autre « jeunes » groupes dans notre coin à l’époque… En 1998, Ronan Guéblez nous a présenté Henri Prigent de Gwenael Henri de An Naer Production, lors du festival de Monterfil. Et on a enregistré un premier CD.
Peu de temps après Erwan est devenu professionnel. On a alors vraiment adopté un fonctionnement de groupe professionnel.
Quelle était l’ambiance des festou-noz de l’époque?
La même que celle aujourd’hui !
Franchement, on a toujours alterné les dates, on joue sur des charrettes avec 3 micros et un retour, avec celles dans des grands festivals. On a aussi toujours joué pour des amateurs de danse, qui ne viennent là que pour danser (avec leur bouteille d’eau sous le bras), et on a toujours aimé passer du temps avec les mecs du coin à la buvette avant, pendant et après le bal. C’est super difficile de généraliser et de revenir sur une période quand on a eu une impression de continuité … on n’a jamais arrêté de jouer, de travailler nos instruments, de composer, d’écouter du collectage, de faire danser … Je sais bien que certains parle d’un age d’or du fest-noz, de cycles, mais franchement, c’est normal que ça évolue, que les pratiques changent avec le public qui se renouvelle, les gens qui vieillissent, qui ont des enfants … ou les jeunes retraités qui reprennent goût à sortir !
Qu’est ce que ça serai chiant si c’était la même chose tous les samedi depuis 20 ans !
Il y a tout de même des danseurs qu’on voit souvent depuis 20 ans. On ne les connait pas forcément mais on les voit danser. Parfois on ne les croise pas pendant un an ou deux, et puis on les voit à nouveau …
Beaucoup de choses ont changé depuis, sur la scène fest-noz et dans Spontus également. Comment expliquer la longévité du projet?
La longévité du projet, tient à un certain nombre de choses. Déjà, c’est notre métier, on a envie que ça dure ! Et puis, on a souvent remis en question notre pratique de la musique a danser.
La formule est stable depuis une dizaine d’année, mais le travail pour une bonne maitrise de ce répertoire nous semble sans fin. Même si on a été séduit par la musique de groupe quand on a commencé, on a tous les 4 ressentit une très forte attirance pour les chanteurs et les sonneurs (biniou/bombarde, et accordéon), ou les grands solistes. Et l’enjeu depuis pour nous c’est de faire circuler l’énergie au sein du 4tet comme dans un couple. Il y a un « ciment » musical très fort que l’on entretient avec une pratique assidue, et pas mal d’entrainement, des disques régulièrement etc.
Il y a eu aussi des périodes où l’on a accepté de moins jouer, parce que les aspirations de chacun était autres. Ça permet d’enchainer sur notre relations d’amitié / fraternité qui est un autre point essentiel. Il y avait de bonnes bases, forcément, mais on a toujours été vigilant à ménager une écoute, et du dialogue au sein du groupe.
Et utiliser à fond nos complémentarités. Dans le travail mais aussi dans les relations entre nous, quand il y a des nœuds à dénouer, des petites angoisses, des grosses déceptions etc….
Avec 20 ans d’histoire, le groupe a su garder un son très personnel qu’on ne retrouve pas ailleurs. Quel sont les univers qui vous inspirent, son, images, textes?
Les univers qui nous inspirent sont liés aux mondes de l’oralité, de la ruralité, du spontané, du direct. Mais aussi du raffiné, du travaillé, du subtil si possible ! Et puis engagement, fraternité, jeu collectif ça, ça nous parle… Tout ce qui pue le commerce ou l’image de marque mercantile nous effraie et ne nous correspond pas. On vit dans des coins de campagne ou il y’a eu un tas de pratiques musicales riches, créatives, qui ont du sens. Donc, se dire que la musique qu’on joue est inventée à la campagne, qu’elle parle à nos potes et à nos voisins, et qu’on ne se fout pas de leur tronche avec un truc édulcoré … c’est inspirant. Plus précisément, on aime bien la musique qui balance, les improvisateurs, les sons acoustiques, les alliances
de sons peu communes… Pour les textes, nous avons choisi de rester sur de la musique instrumentale aussi parce qu’elle est censée pouvoir créer du discours, dans le sens de choses musicales compréhensibles, de références etc … sans paroles.
Pour notre dernier CD, on a promené un épouvantail dans une partie du Morbihan on l’on vit.
Lui, c’est notre « rêveur » il n’a pas d’apriori, pas d’idée pré-conçues sur la musique. Pourtant il connait toutes les chansons des vieux, il aime danser l’andro avec des bons danseurs du coin, mais si une bande de jeunes ou des touristes dansent en levant les bras au ciel et en montrant leur petits doigts, il va trouver ça cool et aller danser avec eux.
Quels sont vos projets à venir?
Nous avons démarré une formule avec 6 musiciens au sein de laquelle on revisite le répertoire des 3 précédents disques. On joue aussi à 5 avec Hugo, qui risque désormais d’être le 5° Spontus assez régulièrement. C’est très intéressant de travailler avec un percussionniste qui aborde la musique dans sa vision dynamique, évolutive, et formelle plus qu’uniquement sous l’angle des patterns rythmiques.
On va aussi commencer à préparer notre 6° disque. Et on a entamé une collaboration avec une danseuse contemporaine pour travailler sur un bal avec des espaces de liberté plus important pour les danseurs, et qui s’adresse aussi aux non-initiés.
Comment voyez-vous l’avenir pour Spontus?
Je crois qu’on aimerai jouer encore longtemps ensemble, tant qu’on pourra je pense qu’on le fera. Et tant qu’il y aura des danseurs pour créer de beaux moments lors des festoù-noz. Continuer d’entretenir le goût du risque, continuer de proposer une musique ouverte, exigeante et joyeuse dans des salles des fêtes ou sur des charrettes pendant l’été !
Pour la culture bretonne?
La culture Bretonne, franchement c’est très vaste comme idée … et ça peut facilement être instrumentalisé. Donc, la culture locale oui, à fond, la défense des langues qui étaient parlées dans le coin, bien sur, leur enseignement évidement. La transmissions du répertoire musicale, des danses, le lien avec l’histoire locale ça, ça nous plait. Les échanges et la transmission entre les génération : « oui », … les moments de partage, et d’accueil pour les gens de passage : « bien sur » … l’ouverture d’esprit sur les autre pratiques artistiques : « à donf’ » … le reste … un territoire, un drapeau, une région, une identité ? Bof bof …
Pour la culture en général?
Et bien, qu’elle soit 100 fois plus présente dans la vie quotidienne à la campagne. Qu’il y ai les moyens mis en œuvre pour rendre les œuvres crées accessibles au plus grand nombre. Que les gens aient du temps pour y avoir accès, et du blé aussi !
Fini la télé, kenavo Facebook ! tout le monde dehors pour voire des concerts, dans les médiathèques pour voire des expos, au fest-noz le samedi, à l’opéra le dimanche !
Que les enfants passent leur temps à l’école de musique, à faire du théâtre, qu’on puisse voire des petits concerts dans les bistrots en semaine !
Qu’il y ai des moyens pour embaucher des professionnels pour faire ce travail.
Que tout cela puisse avoir plus de sens que du simple divertissement, même si le divertissement c’est super important !