Harpiste depuis son plus jeune âge, Clotilde Trouillaud aime à dire qu’elle est « tombée dans la musique trad », comme Obélix dans la potion. Discrète, passionnée, Clotilde sévit en solo mais également au sein du collectif Arp, ou avec son trio Lune Bleue. Retour sur son parcours avant qu’elle ne nous parle de sa carte Blanche Retro Vintage qui sera diffusée sur Canal Breizh vendredi 22 Décembre.
Peux-tu nous expliquer comment tu en es venue à la musique traditionnelle ?
Je suis née dans une famille sensible à la culture bretonne. Très tôt, je suis rentrée au Cercle Celtique de Châteaubriant, cercle mené par Patrick Bardoul à l’époque. En parallèle, j’ai découvert la harpe à l’âge de 8 ans avec Brigitte Baronnet. Donc très vite je me suis retrouvée sur scène, que ce soit avec le Cercle à chanter ou danser ou avec l’ensemble des harpistes de Brigitte !
Et pourquoi la harpe et pas l’accordéon diatonique ?
Eh eh !! C’est vrai ça ? Je ne sais pas à vrai dire… J’avais une sœur accordéoniste et une autre, harpiste, un frère violoniste… Je n’avais que l’embarras du choix pour tester divers instruments à la maison. Je ne me suis pas vraiment posé la question…j’ai essayé, j’ai aimé la harpe et j’ai jamais arrêté !
Tu as surtout choisi le truc le plus encombrant, histoire d’enquiquiner tes parents en fait?
C’est ça !! Et d’ailleurs, je leur dois beaucoup aussi, parce qu’en effet, c’est de la logistique !!! Maintenant que je voyage régulièrement à l’international, entre autres, je réalise à quel point je n’ai pas choisi le plus petit et léger !
En fait, tu as eu l’opportunité de côtoyer dès gamine des grands noms de la musique traditionnelle, est-ce que tu réalisais ce qu’ils étaient pour le milieu trad ou pas (cf Hamon Martin, Les frères Bardoul…)?
Non, aucun d’entre ne nous réalisait je pense, on avait 12 ans ! Mais c’est vrai que je me sens quand même chanceuse d’avoir côtoyé tout ce monde là…
Au départ, j’ai beaucoup travaillé avec les frangins Bardoul ! Avec Patrick, on a surtout beaucoup chanté, et enregistré des cassettes (!!) et disques de chant traditionnel.
Je suppose que ces deux-là font partie de ces personnes à qui tu dois ton implication et ton parcours ?
Oui tout à fait ! Ce sont eux qui m’ont sortie partout très tôt, et pendant des années, dans de nombreuses rencontres et festivals, notamment à Ti-Kendalc’h à St Vincent sur Oust. C’est grâce à eux que j’ai rencontré autant de monde !
Pourtant, curieusement, au départ, je ne faisais pas vraiment le lien entre ce que je faisais avec Patrick et ce que je faisais à la harpe. Comme deux mondes un peu séparés…
A quel moment tu as décidé d’en faire ton métier?
Dès ado, je savais que c’était ça que je voulais faire, sans doute à force de traîner dans ce milieu dans lequel je me sens vraiment bien, qui permet tant de rencontres, à la fois humaines et musicales .
Et tu as tout mis en place pour aller au bout de ton rêve ?
Oui, je me suis inscrite à la fac de musicologie à Rennes, et en parallèle au Conservatoire de Nantes. Rapidement, j’ai focalisé mon travail sur ce qu’on me demandait au Conservatoire où j’ai travaillé dans la classe de Catherine N’Guyen et avec Christophe Caron en musique trad ! Sans soute un des professeurs qui m’a le plus marqué, et pas que pour son enseignement, mais pour la personne qu’il était. J’ai vite délaissé les bancs de la fac, même si encore une fois, ça été un sacré moment de ma vie pour rencontrer énormément de musiciens dans des esthétiques différentes ! C’est notamment à la fac que j’ai rencontré Erwan Bérenguer avec qui je joue actuellement dans Lune Bleue trio.
Bref, au final, pas de diplôme de fac, mais beaucoup d’expériences musicales en tous genres…et un diplôme de fin d’études au conservatoire de Nantes, quand même !
Parallèlement, tu donnais déjà quelques cours. Qu’est ce que ça apportait d’enseigner?
Des sous ? (rires)!! Sérieusement, il faut être honnête, enseigner c’est une sécurité financière, c’est clair, mais j’aime réellement ça ! Même si aujourd’hui, je donne un peu moins de cours parce que ça demande beaucoup d’énergie, et j’en ai aussi besoin pour mes projets. J’enseigne à temps partiel au Conservatoire de Pontivy et régulièrement lors de stages.
Jolie transition, parle-nous donc de tes projets actuels alors :
Aujourd’hui, je suis donc prof au Conservatoire de Pontivy et le reste du temps je me consacre à deux projets essentiellement, Lune Bleue Trio (avec Erwan Bérenguer et Jean-Marie Stephant) et le collectif ARP, notamment le concert Diriaou sur l’œuvre de Kristen Noguès, qui repart sur les routes en 2018.
Ces deux projets t’emmènent voyager un peu partout, non?
Oui, même si en réalité, c’est le plus souvent en solo que je suis amenée à voyager…!Depuis mon premier album solo en 2011 j’ai commencé à écumer pas mal les festivals de harpe en Europe… Pour revenir un peu plus en arrière, j’ai tourné pas mal en trio avec Les Fileuses de Nuit, pendant une dizaine d’années. Cela m’a ouvert de nombreuses portes parce qu’on a beaucoup joué, que c’était une formule originale qui fonctionnait vraiment bien ! Et puis à titre personnel, cela m’a permis de me professionnaliser, dans les démarches.
Tu joues essentiellement un répertoire de concert. Comment t’est venue cette orientation ?
J’ai commencé à faire de la musique à danser avec Zim-Zim en pays de Redon. C’était vraiment mon truc de vouloir jouer pour la danse … À l’époque, je n’étais pas vraiment bien équipée pour être bien sonorisée, et ça ne facilitait pas les choses… Et j’ai rapidement préféré le concert en fait. Et puis, loin des contraintes de « style », j’ai eu envie de faire ma propre musique, comme ça on ne peut pas me reprocher de ne pas être dans le style !
Comment tu expliques que la harpe reste un instrument assez peu médiatique et peu intégré à la musique à danser? Tu considères que la harpe est plutôt un instrument de concert?
Vaste débat !! Pour moi, la harpe, c’est un instrument. Point ! Chacun en fait ce qu’il veut !! C’est certainement aussi adapté à la musique à danser, y’a pas de raison ! C’est en tout cas ce que je transmets aussi à mes élèves, quoi qu’on ait envie de faire avec la harpe, il faut s’en donner les moyens, on passe beaucoup de temps à adapter et à trouver des astuces, mais tout est réalisable !
Mais aujourd’hui, je me sens loin de ce débat autour de la musique à danser. Je dois aller en fest-noz une fois l’an, et écouter un disque de musique bretonne une fois tous les 6 mois…. ! Et toujours avec grand plaisir !
Cela a dû te faire drôle de recoller le nez dans la musique bretonne pour créer ta carte blanche qui sera diffusée sur Canal Breizh ce vendredi ?
Terriblement ! Madeleine de Proust instantanée !! Et d’ailleurs, une grande partie date de la fin des années 90 !!! C’est une Carte Blanche retro Vintage! Je ne connais pas bien ce que font les groupes actuellement, donc j’ai mis ce que j’aimais à la grande époque ! Ça commence avec Hamon-Martin bien sûr, puisqu’on se côtoyait aussi dans notre jeunesse ! Et de fil en aiguille, il y a fatalement Burn’s Duo, donc Gwenfol, donc les Trompettes du Mozambique…Ensuite, il y a les grands noms que j’ai beaucoup écouté et avec qui j’ai la chance de travailler maintenant, comme Jacques Pellen par exemple. Ou Jean-Michel Veillon récemment. Des extraits de Kristen Noguès bien sûr… Un clin d’œil à Sylvain Girault avec une chanson que nous avons co-signée… le disque le plus récent de cette carte blanche est le remarquable album de Erwan Bérenguer et Erwan Menguy.
Et tout ce que j’y ai mis m’évoque un souvenir précis en tout cas !
Merci donc à Tamm-kreiz et Canal Breizh de m’avoir permis cette plongée nostalgique !