Bonjour Louri , peux-tu nous présenter les membres de Modkozmik et comment vous êtes-vous rencontrés ?
Modkozmik, c’est Yann-Ewen L’Haridon au saxophone et au chant, Clément Dallot aux claviers, et moi-même au chant et à la trompette. Nous avons tous baigné dans la culture bretonne depuis notre plus jeune âge. Yann-Ewen par la pratique de la musique de sonneurs de couple dans le pays Montagnes, Clément par l’accordéon diatonique dans le pays de Muzillac et moi par le kan-ha-diskan et le biniou/bombarde dans le pays Fañch. Il arrivait donc que l’on se croise en fest noz avec nos diverses formations mais chacun rayonnait plutôt dans son propre secteur ! C’est lors de nos études à Rennes que l’on a pu se connaître un peu plus. À ce moment-là, chacun d’entre nous a commencé à explorer d’autres univers musicaux notamment par le biais du saxophone pour Yann-Ewen, du piano et claviers divers pour Clément, et de la trompette pour moi.
En 2017, nous avons décidé de créer un trio ensemble. Le son qui s’est dégagé des premières répétitions nous a rapidement convaincu. La formule du groupe permet une large place d’expression à chacun. De plus, les sons de claviers synthétiques et l’utilisation de pédales d’effets sur les instruments acoustiques, nous ont permis de développer l’esthétique du groupe. Le nom est venu naturellement par la suite : Modkozmik, « mod kozh » pour « à l’ancienne » et « kozmik » pour « cosmique ».
2) Quelle est votre démarche et votre recherche musicale? Et en particulier pour ce nouvel album ?
On aime bien parler de rétro-futurisme. Le corps ancré dans le sol et l’esprit évadé dans le cosmos. L’idée c’est de cultiver les liens de différentes esthétiques musicales tout en étant ancrés dans le langage de la musique traditionnelle bretonne. Modkozmik, c’est aussi comme un trio biniou/bombarde/tambour augmenté. C’est à dire que la trompette et le saxophone se questionnent et se répondent parfois mais il arrive souvent que l’un porte l’autre en se fondant dans les sons de claviers obstinés comme pourrait le faire le biniou avec le tambour dans des accompagnements mélodico-rythmiques. De plus, quand le chant arrive, il prend la tête et guide la danse d’un pas sûr.
Volume I, notre premier premier album est sorti en 2022. Pour l’occasion nous avions invité des amis sur plusieurs morceaux, notamment Simon Latouche au trombone et Théo Morin à la batterie qui sont d’ailleurs souvent sur scène avec nous dans notre formule quintet qu’on appelle “Modkozmik Galactik”. C’est dans cette formule que nous avons enregistré en 2024 notre 2e album, Menez Kernall, un live qui explore en profondeur les complaintes du Pays Montagnes, le Centre-Bretagne finistérien.
Pour ce nouvel album, Volume II, je dirais que nous sommes revenus aux bases, c’est-à-dire en trio seulement. Aussi, le chant a pris une place de plus en plus importante dans le groupe au fil du temps. Particulièrement pour ce nouvel album car de tous temps en Bretagne, les gens ont composé des textes qui sont aujourd’hui ancrés dans la tradition. Dans la continuité de cet esprit, nous tenions à partager des textes originaux, en rapport avec notre ligne artistique. Par exemple, le linguiste bretonnant Maxime Crahé a composé une chanson qui soulève les questions du rapport entre l’homme et le cosmos. J’ai composé un texte qui parle des rencontres surnaturelles que l’on peut faire lorsque que l’on chemine dans les campagnes du Centre-Bretagne. Yann-Ewen L’Haridon propose l’adaptation d’une histoire vraie ayant eu lieu à Poullaouen en 1968 durant laquelle un homme aurait aperçu un OVNI dans sa cour de ferme.
3) Quels sont vos souvenirs les plus mémorables en tant que musiciens, dans cette formation ou bien une autre?
C’est dur de parler d’un souvenir plus mémorable qu’un autre. Je dirais que les plus remarquables sont ces moments où l’on ressent une forte connexion avec les danseur.euses. C’est la force du fest-noz, faire un tout entre les musicien.ennes et les danseur.euses, cela renvoie une énergie très puissante. C’est notamment ce qui nous influence dans nos choix artistiques et de créations futures.
4) Quels sont vos futurs projets et vos envies à concrétiser?
Il y a pas mal de projets en construction mais je ne peux pas tout dévoiler ici. 😉 Depuis l’existence du groupe, nous avons fait plusieurs créations qui nous ont beaucoup nourris. Il y a déjà l’aventure “Menez Kernall” en 2023 qui nous a fait travailler sur un set de concert, avec une plus grande liberté dans les arrangements car il ne s’agit pas d’un répertoire de fest-noz. De là est né notre deuxième album (qui n’est disponible qu’en streaming). En 2023, il y a aussi notre rencontre avec Annie Ebrel. Nous avons pu faire quelques festoù-noz en sa compagnie et si nous pouvions le refaire nous le ferions sans hésiter !
Fin 2024, nous avons commencé la création “Cap Kozmik” : pour ses 40 ans, le bagad de Cap Caval nous a proposé de travailler ensemble sur un concert qui mixerait le répertoire du bagad à celui de Modkozmik Galactik. Nous avons donc travaillé ensemble pour construire ce set et le résultat nous plaît beaucoup. Nous espérons pouvoir rejouer ce concert dans les temps qui viennent.
À l’instar de sa musique, Modkozmik a construit une identité visuelle forte. L’univers rétro-futuriste développé par la graphiste Fizalis (Alice Duménil) est devenu une particularité assez emblématique du groupe. Par exemple, le concept pour chaque album est de présenter une scène de la vie populaire bretonne, tirée de photos anciennes, qui prend place dans des paysages cosmiques imaginaires. Dès le début du groupe, ça nous tenait à cœur d’associer une identité visuelle au projet. Nos clips s’inscrivent dans cette continuité.
Nous avions aussi depuis longtemps le petit rêve de faire un clip animé. Cela a pu être possible grâce à Meven Garrec avec qui nous avons travaillé récemment. C’est sur le cercle circassien qui s’appelle “Na deus kostez Jupiter” et qui vient de sortir sur Volume II. Le clip animé est un moyen d’expression supplémentaire qui nous a permis de développer davantage notre univers rétro-futuriste. Ce clip est disponible sur Youtube.
5) Comment percevez-vous l’écosystème du fest-noz et de la musique bretonne actuellement et comment imaginez-vous les perspectives d’évolution durant la prochaine décennie?
La musique traditionnelle bretonne est bien vivante et en constante évolution. En ce sens, c’est difficile de se projeter dans l’avenir. La beauté de cette évolution est justement là. De nouveaux courants viennent enrichir les sonorités traditionnelles et les musicien.ennes, parfois sans s’en rendre compte, s’adaptent aux tendances du moment tout en gardant en tête l’objectif principal : faire danser les gens.
On pense que cet écosystème musical, à l’image de la nature, nécessite du contraste et une diversité de styles. C’est ce qui contribue à sa popularité et à son ouverture vers de nouveaux auditeur.ices. Cet écosystème reste fragile et il y a des périodes plus difficiles que d’autres. Certain.es parlent de cycles dans le fest-noz. On a tout de même l’impression que depuis le Covid, il y a eu un regain d’intérêt des jeunes pour les festoù-noz.
Néanmoins, parmi les choses que l’on peut déplorer dans le fest-noz actuel, il y la place faite aux sonneur.euse.s et aux chanteur.euse.s en couple. Il nous arrive très souvent d’aller jouer dans des endroits où sont programmés exclusivement des groupes de fest-noz. C’est bien dommage, car la pratique du biniou/bombarde, du kan-ha-diskan ou du chant à répondre mérite d’avoir plus de visibilité, cela fait quand même partie des bases de notre musique ! D’autant que la génération qui vient après nous semble bien s’inscrire dans ce “retour aux sources”. Il y a encore de belles années à venir pour le fest-noz !
Propos recueillis par Thomas Postic.
Crédit photo : Tanguy Marchand
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