Rencontre avec Régis Huiban

Regis huiban

MenezHom Jazz par Serj Philouze
Régis Huiban est un accordéoniste incontournable de la scène traditionnelle en Bretagne. Soliste ou membre de groupes de fest-noz et concert, il explore la tradition avec un regard vif tout en y mêlant improvisations jazz, compositions. Rencontre

Peux-tu nous expliquer comment tu as découvert la musique et pourquoi tu as choisi l’accordéon ?

Personne de ma famille ne jouait de musique mais dès mon plus jeune âge, la plupart de mes jouets étaient des instruments de musique. Quand j’ai pu jouer des petites pièces sur un clavier tout minable, mes parents m’ont inscrit à l’école d’accordéon, conseillés par leurs amis, je crois me souvenir. J’ai accroché, sans me poser de question sur l’instrument, ça aurait pu être un piano ou un violon, j’aurais sans doute fait ce même chemin musical.

Peux-tu nous raconter ton parcours musical?

Tout gamin j’ai commencé par jouer le répertoire du bal musette, dans une « école d’accordéon » à Quimperlé, chez Jo Jégado. A l’époque, j’avais 9 ans, et malgré mon jeune âge, très vite j’ai pu jouer dans les bals de noces, à la radio, etc. Deux ou trois ans avant j’avais intégré la fanfare du Faouët pour y prendre mes premiers cours de solfège. Ce n’est qu’arrivé au lycée que je me suis intéressé à la musique bretonne, avec ma rencontre avec  Julien Le Mentec. Avec lui, je découvre à la fois les danses bretonnes et le répertoire de fest-noz et on monte ensemble le groupe Tan Ba’n Ty. C’est donc vers 1990 que j’ai « glissé » du bal musette au bal breton.

Du coup, grand bain dans le fest-noz dès l’adolescence… tu te souviens quel regard tu portais sur cette musique ou ce milieu à l’époque?

J’ai un peu l’impression d’avoir fait le parcours à l’envers en quelque sorte : j’étais vraiment dans l’apprentissage de ce répertoire, et pourtant très vite,  je me suis retrouvé à animer un fest-noz presque tous les week-ends. Il a fallu jouer et s’affirmer en groupe en ayant « grillé » les étapes d’imprégnation, d’écoute des sources, des sonneurs ou chanteurs. Pour ma part le collectage est arrivé après parce qu’à ce moment là, je n’avais pas forcément envie de creuser le sujet. J’ai surtout vu dans la musique bretonne l’opportunité d’être sur scène en me faisant bien plus plaisir que dans le bal populaire que je ne supportais pas, même si cette « école du terrain » m’avait fait progresser.

Et tu n’as plus jamais quitté le milieu de la musique traditionnelle, voire tu y as plongé la tête la première. Comment tu expliques ça ?

En effet, entre 1990 et 2000, c’est pour moi une période de boulimie de travail personnel : connaître les pas de danse bretonne, prendre des cours de piano en plus du perfectionnement à l’accordéon, des écoutes d’enregistrements à Dastum, un peu de bombarde en couple avec Fred Miossec dans les veillées, les concours, les festoù-noz trad, un passage au bagad du Faouët et l’écriture des partitions de concours, j’ai aussi donné des cours. Puis en 1999, j’ai effectué un travail de collectage auprès des chanteurs sur les 21 communes du Pays Pourlet. Peu de temps avant, je rencontre Roland Becker qui m’invite à jouer en duo (saxophone/accordéon) et je prends goût aux musiques de concert, à la composition et à l’improvisation.RH septet par Serj Philouze

Pourquoi as-tu choisi d’en faire ton métier ?

Tout est allé très vite et naturellement : dès 1994 j’en ai fait mon métier. La scène me plaisait (et me plaît toujours). Les rencontres musicales étaient enfin possibles. Cette musique traditionnelle rassemble tous les âges, elle nous emporte vers la transe. Je ne me suis pas posé de questions.

Comment as-tu évolué musicalement ensuite ?

Dès 2001, j’ai eu envie de progresser encore. Je me projetais vers du concert, le nombre de festoù-noz diminuait aussi. J’ai donc suivi 2 stages de jazz, tout en continuant le travail avec Roland Becker (dont le groupe Mr Kerbec et ses belouzes). En juillet 2003, a eu lieu le premier concert avec mon propre groupe (Régis Huiban Quartet). Dans ces différents projets, je retrouve l’accordéon du passé (celui du bal), l’instrument du diable (dans la musique bretonne) et le jazz (mon attirance vers l’improvisation).

Comment arrives-tu à trouver un équilibre entre tous ces aspects?

L’instrument est caméléon. Aujourd’hui, c’est la création qui l’emporte, l’envie de partager avec d’autres musiciens mes compositions, en gardant un pied dans le « trad qui pue » ! J’adore orchestrer une musique pour un quintet ou arranger une musique pour un ensemble d’élèves en master class, créer dans l’instant sur scène ou encore faire danser en solo. L’accordéon m’a amené,  grâce à toutes ces expériences vers le spectacle de rue, le théâtre musical, la chanson française, le spectacle pour enfants, ou encore le fest-noz avec Wipidoup ou Skolvan. Mais cela m’a également permis de travailler la composition et l’improvisation, notamment sur mes albums, l’accompagnement de comédiens/poètes, le solo (exercice parfois périlleux…)  jusqu’à aujourd’hui où je suis « sideman » dans Soufffles3 , le nouveau trio du clarinettiste Michel Aumont ( avec Youn Kamm à la trompette).

Régis Huiban (1) - Photo Clémentine de Rechniewski (juin 2014)Tu continues parallèlement à donner des cours et te tourner vers l’enseignement.

En effet, la notion de passage me semble indispensable et indissociable de mon métier de musicien. Ce lien de maître à élève m’a toujours suivi. Et puis arrive un temps où l’on est sollicité pour transmettre à notre tour, j’avoue que ça me plaît ! Je viens même de sortir un recueil de partitions chez Paker Prod, qui fait suite à mon CD trad solo. Je ne laisse pas de côté la facette enseignement. La preuve: le 1er avril, ce boulot m’a mené en Asturies pour une master class  et j’anime régulièrement des stages!

Est-ce que ta carte blanche diffusée sur CanalBreizh le vendredi 7 Avril reflète un peu tous ces aspects de ta personnalité musicale?

Elle est plus nostalgique, elle comporte des titres que j’écoutais beaucoup il y a 20 ans. Mais aussi des musiques bien arrangées, nuancées, avec quelques prises de risques. Oui ça me correspond… Étonnamment, il y a beaucoup de chant. J’adore les voix. D’ailleurs, je pose ma voix déjà sur mes disques depuis 2003, et sur scène aussi suivant l’humeur, suivant l’état de l’improvisation, mais je ne chante pas.

 

http://www.regishuiban.com/
Régis Huiban (3) - Photo Clémentine de Rechniewski (juin 2014)

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