Bonjour Jean-Charles, on se retrouve à l’occasion de la sortie de ton nouveau disque, « Breizh an Ankou ». Ton premier album solo était sorti en 1998, et le second… quatorze ans plus tard, en 2012 ! Or, depuis deux nouveaux disques ont paru, en 2015 et maintenant en 2017. Comment expliquer, d’une part, ce long silence entre le premier et le deuxième et, d’autre part, cette grande productivité depuis 5 ans ?
Demat, effectivement entre mon premier album solo éponyme « Jean-Charles GUICHEN » (avec des invités) de 1998 et le second sorti en 2012, j’ai une longue période riche en rencontres, au cours de laquelle j’ai enregistré et tourné, mais avec d’autres formations, à savoir : « Celtic Procession » avec Jacques Pellen (1999), « Back to Breizh » d’Alan Stivell (2000), trio PSG, Guichen Quartet (album « Mémoire vive » et trio Guichen/Barou/Pasquet en 2002, albums « Frères » et « Dreams of Brittany » des frères Guichen en 2005 et 2008, Red Cardell en 2009, et puis le lancement du « SOLO DE L’ANKOU » en 2010 et l’album de Gwenynn. Ayant composé et arrangé la plupart de ces albums, je n’ai pas eu le temps de me consacrer à un album solo. En 2012, j’ai décidé de reprendre une carrière solo en enregistrant « CHADENN DENEL », qui m’a propulsé sur les scènes internationales. Depuis, je ne cesse de composer et d’arranger mes propres albums. Je me suis entouré des meilleurs musiciens pour enregistrer en 2015 « Elipsenn », et donc ce dernier « BREIZH AN ANKOU ».
Du coup, que représente cet album nouveau par rapport aux autres ? Comment définirais tu son identité, sa démarche, ses couleurs ?
Je pense qu’avec « Breizh An Ankou », je signe mon meilleur album parmi les 15 albums que j’ai enregistrés ! C’est un album 100% JC GUICHEN , autant en compo et arrangements que réalisation, avec des invités incroyables de force et d’identité. Je me suis recentré sur ce que je fais de mieux, c’est-à-dire faire danser, arranger et composer dans mon propre style, tout en me nourrissant de toutes les riches expériences que j’ai pu faire depuis le début de l’étude de la guitare en passant par Ar Re Yaouank, bref depuis 1976 !
A l’écoute du disque, on a l’impression d’une fusion entre les approches des deux albums précédents : répertoire à danser et assez acoustique pour « Chadenn Denel », répertoire orienté concert, électrique et avec une orchestration plus fournie pour « Elipsenn ». Celui-ci fait un peu la synthèse de tous ces éléments, non ?
Effectivement, c’est tout a fait cela, j’ai voulu simplement revenir sur ce qui me caractérise le mieux, à savoir l’énergie dans la danse et la transe acoustique !
On reviendra à la peinture plus tard, mais les morceaux semblent eux aussi composés comme des tableaux. Du coup, la guitare y est un élément parmi d’autres, qui sert les compositions, arrangements en laissant de la place à d’autres éléments, bref tu es un peu plus en retrait que d’habitude par moments. Est-ce que c’est quand même un disque de guitariste ?
J’ai mis la guitare acoustique au centre, mais discrètement. J’ai surtout voulu orchestrer la musique au service de la danse et permettre aux apparitions des invités incroyables de l’album de sublimer mes compositions, et faire « haut parleur » du son de ma guitare ! C’est un disque de musique bretonne autour de la guitare à travers mes compositions , mais effectivement c’est également un album concept où je joue sur la transmutation en tableau visuel et musical.
Parlons des invités du disque. Il y a un bagad sur plusieurs morceaux, ce qui crée un sacré contraste (un guitariste tout seul d’un côté, une troupe de l’autre) mais s’intègre impeccablement à l’ensemble. D’où vient ce choix, et à quel point est-ce que ça a été compliqué de trouver une place à un pareil ensemble (arrangements, enregistrement) ?
J’ai la chance de travailler avec le Bagad Sonerien Bro Dreger, qui est incroyable. Je souhaitais justement jouer avec ce contraste entre cet Orchestre Symphonique Breton et ma Guitare acoustique. En commençant l’album tranquillement, on entre dans mon univers magique et dans l’âme de la Bretagne. L’alchimie a tout de suite fonctionné dès les premières notes. Au début, il y avait trois titres de prévus avec le bagad, mais la magie a tellement opéré que j’ai composé un titre juste avant d’aller en studio, en pensant au bagad ; c’est d’ailleurs le premier titre de l’album !
On a aussi le plaisir d’entendre Denez Prigent (que tu avais retrouvé avec Fred à l’occasion de la dernière édition de Yaouank) sur un laridé. Comment s’est passée cette collaboration ?
C’est un grand honneur pour moi d’enregistrer avec Denez, qui à littéralement transporté mon laridé dans une autre dimension, une voix des ténèbres inimaginable, frisson ! Notre collaboration sonne comme une évidence , je travaille d’ailleurs également sur son prochain album. Nous avons commencé notre carrière au même moment, nous nous sommes souvent croisés mais c’est lors du Paléo Festival en Suisse, en août 2016, que j’ai rencontré Denez pour lui parler de la carte blanche que Glenn Jegou a donnée au Frères Guichen ; c’est donc encore une fois à Yaouank qu’une nouvelle page s’est ouverte !
On a aussi droit à une rencontre entre Jean-Charles Guichen et Dan Ar Braz, sur un de tes morceaux emblématiques, qui plus est. Un vrai plaisir de guitariste, j’imagine.
Tout simplement exceptionnel et incroyable pour moi. C’est Dan qui m’a donné envie de jouer de la guitare, je n’aurais jamais imaginé un jour pouvoir jouer avec lui. C’est avec une émotion et un plaisir intenses que j’ai travaillé, c’est du très haut niveau, mon morceau « THE BRETON ROOTS » prend là tout son sens, j’ai l’impression de l’avoir composé pour lui tellement on est imprégné ! Une rencontre de la guitare acoustique bretonne avec la guitare électrique bretonne qui ne font qu’une, un grand merci à Dan ! Quand deux guitariste bretons se rencontrent « JEAN-CHARLES GUICHEN et DAN AR BRAZ », historique Braz !
On ne va pas oublier les musiciens qui t’accompagnent sur l’ensemble du disque, et contribuent à lui donner son identité, notamment Claire Mocquard et Sylvain Barou. Quelle a été leur place dans l’élaboration de l’album ?
La collaboration avec Claire Mocquard est le fruit d’une rencontre sur l’album « Chadenn Denel » (2012) et sur les concerts qui ont suivi. Claire est non seulement une excellente violoniste mais aussi une excellente chanteuse de jazz, elle apporte un support talentueux et minutieux au thème mélodique à cordes. Claire est aussi la sublime voix des chœurs sur « An Dourdu » et « Skouarnel », le coté jazz de l’album ! Une sacré voix qui relève mes titres ! Je joue en duo avec Sylvain Barou depuis 2002, c’est tout simplement le flûtiste fabuleux que je souhaitais a mes côtés pour des envolées envoûtantes de uileann pipe et de flûte ! Pas besoin de grand discours pour travailler avec Sylvain, ça sonne tout de suite ; le son et sa virtuosité se mêlent naturellement avec ma guitare, sur des titres taillés pour lui seul !
Un mot sur la section rythmique ?
Je pense que j’ai la meilleure section rythmique qui existe ! Olivier Carole à la basse et Mickaël Bourdois jouent ensemble depuis des année, comme un couple de sonneurs. Olivier est « The bassiste », un groove terrible et un son unique. Mickael est un batteur hors-pair, qui joue en parfaite harmonie avec le côté rythmique de mon jeu de guitare. Ils m’accompagnent tous deux depuis le précédent album, « Elipsenn », et ont réussi le tour de force tout simplement génial de se fondre dans ma guitare, ce qui n’est pas évident avec une guitare acoustique, mais ça fonctionne a merveille. J’ai un tapis rouge de luxe avec Oliv et Mick !
Sur ce disque comme sur d’autres, tu reprends d’anciennes compositions généralement bien connues pour en proposer une interprétation nouvelle. Quel plaisir particulier prends tu à cet exercice, à revisiter des thèmes emblématiques ?
Effectivement, j’aime réarranger des vieux titres et leurs donner une seconde vie c’est un peu comme rénover une maison en pierre. Je pense par exemple à la suite d’an dro « Skouarnel », qui est en fait une suite de trois an dro que j’ai composé en 30 ans ! Le premier est en fait le dernier en date, le second est mon premier an dro, composé en 1986, et le troisième est né en 1998 ! C’est une manière d’évoquer mes trente ans de scène. Et puis, ce sont tout simplement des titres que j’aime jouer et qui souvent me paraissent intéressants quand ils se glissent dans un contexte adéquat. Je compose des airs depuis toujours, et notamment dans Ar Re Yaouank, et il serait inimaginable pour moi de ne pas les jouer quand c’est possible. Une compo c’est pour la vie, et avec le travail le jeu s’améliore et la façon d’interpréter aussi .
Sur le disque, on sent une vraie volonté de faire correspondre esthétique musicale et esthétique picturale. Depuis Mémoire Vive, premier album du Guichen Quartet, on a découvert que le dessin était une autre de tes activités artistiques. Et tu commences à partager de plus en plus ta production en tant que peintre. Sur « Breizh an Ankou », chaque titre est associé à un tableau. Quelle place la peinture a-t-elle désormais dans ta vie ?
J’ai toujours été dans le dessin , mais c’est vrai que depuis un certain temps j’aime partager mon travail , et quand je peux allier la musique et la peinture, alors là c’est royal ! Cela me permet encore plus d’être dans l’histoire de la musique, les deux ne font qu’un, comme Django Reinhardt entre autres ! Sur « Breizh An Ankou », presque chaque titre a son tableau, je me suis enfermé pendant 2 mois pour peindre les 16 titres qui composent cet hommage à ma Bretagne. Comme on le sait, la Bretagne est une terre de musiciens et de peintres, j’en fais partie !
Presque tous les morceaux sont associés à une danse. Il y a notamment deux suites gavottes, deux ronds de Saint-Vincent, une valse… Pourquoi ce choix ? Faut-il s’attendre à voir ce répertoire avec ces musiciens en formule fest-noz ?
J’ai voulu revenir sur mon terrain de prédilection, à savoir le Fest-Noz. C’est là que je me sens le mieux. Quand j’avais 15 ans, je voulais ramener en fest-noz tous les copains de ma génération du collège et lycée, sortir les gens des boîtes de nuit. Pour ce faire, avec grande motivation j’ai appris a danser et j’ai monté avec Fred le groupe « AR RE YAOUANK ». Aujourd’hui je suis fier de voir combien le fest-noz se porte bien, le nombre de musiciens a explosé et les fest-noz sont organisés partout, sur toute la planète. Je continue dans ce sens à vouloir faire danser, soit en duo (les Frères GUICHEN), soit en « Solo de l’Ankou », ou bien maintenant avec cette nouvelle équipe du « JC GUICHEN GROUP ». Pour la tournée « BREIZH AN ANKOU », je serai entouré d’Olivier Carole à la basse, de Mickaël Bourdois à la batterie, de Claire Mocquard au violon et de Sylvain Barou au Pipe et aux Flûtes. Exceptionnellement, le Bagad de Perros se joindra au groupe pour les festivals ou divers concerts et Festoù-Noz.
Plus généralement, quand va-t-on pouvoir entendre ce répertoire sur scène ?
Je travaille actuellement sur la tournée, nous avons déjà rdv le 28 juillet 2018 au festival des Hortensias à Perros Guirec. Avis aux programmateurs et organisateurs !
Mersi Bras à TammKreiz
A galon.
À très vite sur la route 😉
Contact : commandes album et concerts : jcguichen@gmail.com